(XIIe-XVIe siècle)
Depuis le XVIIe siècle, on a considéré comme évidente une indépassable distinction entre nobles et bourgeois. Depuis la Révolution industrielle, on a mis face à face campagnes et villes, présentées comme des incarnations de la tradition et de la modernité. Ces oppositions ne sont pas recevables.
Les nobles ont continûment tenu une place importante dans la ville médiévale et, qu’ils y résident ou non, elle a été un des horizons de leur existence. Dès que l’on cherche des nobles laïcs en ville, on en trouve à peu près partout, de Liège à Clermont et de Metz à Ploërmel, dans les petites villes, les villes moyennes comme Dijon, les grandes villes comme Paris. Les élites que l’historiographie traditionnelle dit urbaines et les propriétaires terriens nobles et seigneurs se côtoient en ville, s’y mêlent souvent et mènent un genre de vie qui, s’il les distingue les uns des autres, les rassemble aussi. Les rentiers du sol sont en ville dans une grande proportion : après le XIIe siècle, il n’y a plus, dans les élites, de carrière ni de vie sociale qui puisse éviter la ville. Cela rappelle que l’établissement d’une civilisation urbaine aux temps médiévaux est le fait de la lente métamorphose d’un monde rural. Il a produit une société dans laquelle ville et campagne vivaient en symbiose.
Dans l’espace francophone, quels rapports les nobles ont-ils entretenu avec la ville au temps de son triomphe (XIIe-XVIe siècles) ? La question posée ici le souligne : la symbiose entre ville et campagne fut la clé de voûte de l’organisation d’un monde que nous avons aujourd’hui du mal à comprendre. Afin de cerner la spécificité de l’espace francophone, le regard s’est porté aussi sur ses voisins immédiats, flamands, germanophones, castillans.